Donnez au suivant
Peu de temps après la mort de Daniel, je devais retourner au bureau où j'ai travaillé pendant des années, l'entreprise a fermé en février dernier. En arrivant, le valet du restaurant dans la même bâtisse m'offre ses condoléances. Il ajoute que la propriétaire du restaurant vient tout juste, elle aussi, de perdre son fils. Je vous avoue, je n'ai jamais été dîné à ce resto, mon budget ne me le permet pas. J'en ai beaucoup entendu parlé, que la nourriture est excellente, et j'ai vu un tas de vedettes venir y savourer un repas.
Je suis avec ma douce, et je lui dit instinctivement qu'il faut que j'aille lui offrir mes sympathies. S'il y a une chose que plusieurs membres de ma famille ont bénéficié, ce sont les messages de sympathies de gens dans ce blog, leur partage de notre souffrance, et leurs bons voeux.
En arrivant dans ce resto, l'ambiance est froide. Une mouche aurait brisé ce silence. Je demande au barman pour voir la proprio, il me dit qu'elle est dans la cuisine, en ajoutant: "parles-tu italien?" Stupéfait, je répond par la négative. Il m'avise qu'elle ne parle et comprend que l'italien.
Je ravale, je m'avance vers la cuisine. Annie demeure en retrait derrière moi, dans la salle à manger. J'observe la dizaine de personnes dans la cuisine, et je l'aperçois. Elle a les yeux boursouflés, le visage rougeâtre. Oh, je viens en 2 secondes de revoir un tas d'émotions. Je m'avance tout doucement, un autre employé me demande s'il peut m'aider. Je lui explique, les mains jointent, avoir aussi perdu un être cher la semaine précédente, et que je viens ici lui offrir mes sympathies et un soupçon de réconfort. Elle s'approche devant moi, de toute vraisemblance intriguée. L'employé lui traduit mes condoléances. Ses yeux s'ouvrent tout grand un instant, et elle se penche et se laisse tomber dans mes bras. Elle m'exprime au rhytme de mille mots à la minute en italien, sans que je puisse comprendre quoi que ce soit.
Elle m'a ensuite pris le visage de ses mains, en me disant un tas d'autres choses, sans plus comprendre. J'ai répondu en serrant la main droite et tappant de trois petits coups sur mon coeur. Elle a hoché en ajoutant d'autres gentillesses, que j'aurais bien aimé saisir.
Elle m a offert en geste le repas, toutefois j'avais des travaux à compléter dans mon ancien bureau, j'ai décliné poliment. Je savais à cet instant comment ça lui a fait du bien. Je n'avais pas lu les commentaires ici encore, mais seulement de savoir que des gens avaient écrit - c'était une petite douceur au coeur.
En quittant, un employé m'a lancé un "MERCI!", en ajoutant que ça lui avait fait un grand bien. La sympathie, la générosité, s'expriment dans un language universel.
Tout comme Daniel, je venais de donner au suivant.
Une fois de plus, cet enfant m'aura fait grandir, découvrir de bien belles choses, de belles émotions, même après son grand départ. Je t'Aime, mon Grand!